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« J’ai un rêve fou : vendre des mangas français aux éditeurs japonais »

La maison d’édition grenobloise Glénat fête ses cinquante ans de BD et trente ans de manga. À sa tête, Jacques Glénat, un pionnier qui a découvert le genre au Japon à la fin des années 1980. Trente ans plus tard, Glénat sortira un nouveau shônen prometteur pour la Japan Expo : Ariadne, l’empire céleste. Interview.

Vous racontez que vous êtes le premier éditeur à avoir effectué un voyage au Japon pour aller proposer vos BD. Et finalement, vous êtes revenu avec Akira et Dragon Ball

Jacques Glénat : C’était en 1988. J’ai effectivement découvert le manga en me rendant au Japon. Personne ne connaissait en Europe. Je n’avais pas la moindre ambition. J’ai commencé par Akira parce que ça ressemblait un peu à la bande dessinée européenne en termes de découpage. Otomo s’est inspiré de Moebius et ça se voit. Puis il y a eu Dragon Ball, et quelques autres titres. Les confrères se sont engouffrés dans l’avion pour se rendre à leur tour au Japon et y faire des découvertes !

SOKYU NO ARIADNE

Illustration d'Ariadne, l'empire Céleste, nouveauté Glénat
SOKYU NO ARIADNE © 2018 Norihiro YAGI / SHOGAKUKAN

Comment expliquez-vous votre succès ?

On a développé notre catalogue en installant des collaborateurs au Japon pour être au plus près de sorties et en lien direct avec la culture manga.

Comment avez-vous élaboré vos choix éditoriaux ?

On a publié comme on a l’habitude de le faire : selon nos goûts et nos impressions. Quand on vous dit qu’un titre a bien marché au Japon, vous avez tendance à vouloir le ramener en France. Mais ce n’est pas pour ça qu’il va fonctionner. Le rôle de nos collaborateurs est justement d’attirer les auteurs qui valent, selon nous, le détour. Je suis, par exemple, particulièrement fier d’avoir publié l’œuvre complète d’Hayao Miyazaki, si riche et si belle.

Qu’est-ce qui vous a touché dans son œuvre ?

C’est un univers extraordinaire, tant dans ses mangas que ses illustrations, ses croquis... Cet homme a fourni un travail incroyable et le Studio Ghibli a une dimension magique. J’ai découvert cet artiste en tombant sur Nausicaä, un petit chef-d’œuvre. Ensuite, j’ai plongé dans le reste de son œuvre.



Avec trente ans de recul, vous dites-vous qu’introduire le manga en France était un pari ?

Non. On a publié Akira en se disant qu’on y croyait, comme tous les autres auteurs qu’on publie dans de nombreux pays : par exemple l’Espagne ou l’Italie. Nous avons été les premiers à publier Hugo Pratt.


Votre coup de cœur ?

J’ai tout lu, même si je ne me suis pas tapé l’intégrale de chaque série [N.D.L.R. : One Piece, par exemple, en est à son 90e tome et Les Gouttes de Dieu, manga sur le vin, enregistre la bagatelle de… 44 volumes et a déjà un spin-off]. Mais j’ai été transporté par les huit premiers tomes de Dragon Ball : c’est une fable magique, intelligente et poétique. Je n’ai pas continué car je n’aime pas trop les mangas à baston et ensuite, Dragon Ball devient plus violent.

Quels sont vos projets pour le manga dans les trente prochaines années ?

Continuer à faire du manga nous-même comme on le fait déjà depuis quelques années. On est dans cette culture avec de jeunes auteurs qui ont baigné dans les mangas comme c’est le cas aussi avec les comics. Pour le reste, on est soumis à la production japonaise et toujours dans la bagarre commerciale autour des droits...

Votre rêve ?

Réussir à vendre un jour des mangas français aux éditeurs japonais. Mais je crois que c’est un rêve fou ! Mon objectif est de continuer à découvrir de nouveaux mangas, être plus proches de certains auteurs japonais qu’on ne voit pas assez en Europe pour les faire venir. Que le manga continue à développer cette expression et cette culture qui lui sont propres et qui ne le mettent pas en concurrence avec la bande dessinée franco-belge.

Article en avant-première : retrouvez-le dans le magazine Zoo n°72, en librairie le 9 juillet.

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